Dans Récits de voyage

Mais qui est Dawa Sherpa ?

Dawa est un coureur de trail (course à pied en montagne). Il est connu pour le nombre impressionnant de courses qu’il a gagné. Au-delà de ses performances qui font de lui un vrai champion, Dawa impressionne par sa gentillesse et son humilité.

Je tiens à remercier Dawa pour le temps qu’il m’a accordé et sa patience.

Je vous laisse découvrir les propos étonnants de Dawa Sherpa tout au long de cette interview.

Dawa, peux tu nous dire pourquoi tu cours ? Que recherches tu dans la course ?

Je recherche avant tout le plaisir, quand je cours en montagne je me sens bien. Je me sens tellement bien quand je cours en montagne que je pourrai courir toute la journée sans manger.

Quand je cours je ne pense pas à manger. Si je reste chez moi, je peux manger 6 fois dans la journée et avoir encore faim.

Je suis né dans la montagne, j’ai grandi dans la montagne. J’ai toujours marché, monter/descendre pour aller chercher l’eau ou du bois. La course à pied dans la montagne pour moi c’est comme me promener dans mon jardin.

Tu dis ne courir que pour le plaisir, mais avec ton palmarès n’as tu jamais cherché à gagner ?

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Cela ne m’intéresse pas, le but c’est vraiment de se faire plaisir. Je n’ai jamais cherché à courir pour le chronomètre.

D’ailleurs, je n’ai jamais voulu devenir un professionnel. On m’a déjà proposé des contrats de sponsoring mais je n’en vois pas l’intérêt car en trail j’irai me battre face à des amateurs.

En compétition je vais me retrouver face à des coureurs qui ont un travail, des enfants et qui habitent en ville. Dans ce cas ce n’est pas juste, ce n’est pas dur de gagner dans de telles conditions.

Si je voulais devenir professionnel, il fallait que je fasse du marathon pour me battre face à d’autres professionnels, mais je n’ai pas envie de courir sur route.

Je cours pour me faire plaisir et non pour faire toujours plus de kilomètres.

Puis, j’aime mon métier, j’ai envie de continuer à travailler et à courir pour le plaisir. Je n’ai pas envie de devenir un pion à qui on dit d’aller faire telle ou telle course.

La dernière fois, pendant une course j’étais avec quelqu’un plus jeune que moi. Il ne voyait que par le chrono et la vitesse. Il m’a dépassé en début de course, je l’ai rattrapé à la fin. A ce moment il m’a dit : « je n’ai plus de jus ». De mon côté je n’ai pas envie de courir pour ne plus avoir de jus, car j’ai envie de prendre du plaisir.

En ce moment je suis blessé depuis 1 an et demi. Si je courrai pour la compétition je serai déjà déprimé de ne pas pouvoir courir pour finir le premier. Je préfère me reposer et attendre d’être en bonne santé. Qu’est ce qu’un an dans toute ma vie. Le plus important pour moi c’est d’être en bonne santé.

Tu dis ne plus vouloir faire de courses de plus 100 kilomètres, pourquoi ?

Je n’arrive pas à courir sur de très longues distances. La dernière fois que j’ai fait l’ultra trail du Mont Blanc au bout de 90 kilomètres, je ne prenais plus de plaisir. Dans ce cas, cela ne m’intéresse pas.

Je vois des gens qui vont faire 100 kms pour s’acheter un statut, dire aux autres qu’ils ont fait 100kms. A quoi bon si ce n’est pour ne prendre aucun plaisir.

Les gens font trop de sacrifices pour courir toujours plus. Un coureur va s’entrainer toute l’année, il va faire des sacrifices familiaux et au travail pour finalement arriver sur une course et se blesser. Il continuera le plus loin possible au péril de sa santé pour ne pas abandonner. Mais le plus important n’est il pas la santé ?

Tu organises des courses de trail au Népal. Comment t’est venue l’idée ?

A travers la course à pieds j’ai découvert beaucoup d’endroits inoubliables. J’ai rencontré des gens généreux, j’ai découvert leur mode de vie, de partage. J’ai vécu énormément de bons moments.

Un jour, je me suis demandé :

« Qu’est ce que je peux offrir et partager pour faire plaisir aux personnes qui ont la même passion que moi. »

C’est comme ça que j’ai organisé une course au Népal. C’est un voyage sportif où l’on passe dans les villages pour rencontrer les gens. On mange et on dort avec les familles et on prend le temps de partager des moments de vie. Dès le départ j’ai souhaité que le partage se fasse dans les 2 sens.

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Les bénéfices des courses que tu organises servent à des projets humanitaires. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

A travers ces courses, je véhicule des projets humanitaires depuis 2008 (parrainage des enfants, projet de construction d’école, accès à l’eau potable). Des petits projets, mais qui permettent d’aider les familles.

Mon rêve c’est d’arriver à électrifier les villages. En montagne, les gens brulent du bois pour se chauffer et pour faire la cuisine. Mais les forêts, c’est un patrimoine mondial que l’on ne peut pas gâcher. Années après années la taille des forêts, alors qu’il y existe d’autres moyens de faire.

Grâce à l’aide d’une association italienne, on a pu électrifier 5 villages. Les jeunes de là bas ont mis en place des quotas par an pour l’utilisation du bois. C’est génial car avant les gens qui avaient beaucoup de moyens utilisaient beaucoup de bois. On voit que les mentalités évoluent.

Pourquoi faire de tels projets humanitaires ?

Chez nous l’école n’est pas obligatoire. Personnellement, je ne suis jamais allé à l’école. A partir de 6 ans j’ai eu la chance d’aller dans un monastère que j’ai choisi moi-même où je suis resté 7 ans. J’ai eu une très bonne éducation dont je me sers quotidiennement.

Quand j’organise des treks ou des courses, je vois des porteurs qui ne savent pas ni lire ni écrire leur prénom. Aujourd’hui en 2014, on ne peut pas accepter cela.

Toutes ces raisons m’ont poussé à soutenir les populations. J’essaie d’expliquer aussi ce qu’est l’éducation et pourquoi on étudie. C’est important d’expliquer ce qu’il y a dans le monde extérieur.

Pour l’instant nous avons de petits moyens. Quechua et Induni, l’entreprise de BTP pour laquelle je travaille à Genève, nous aident à parrainer des enfants et mettre en place des projets humanitaires.

En quoi ça consiste de parrainer un enfant ?

Le parrainage, commence par l’achat des vêtements pour le quotidien et les uniformes pour aller à l’école. Il faut également acheter les fournitures scolaires.

Quand les enfants sortent du village pour aller à l’école les parents ne préparent pas forcément un repas pour le midi. Quand ils n’ont pas la possibilité de ramener un repas depuis la maison, il faut qu’ils puissent manger sur place.

Quels bénéfices ressortent de la rencontre entre les népalais et les coureurs ?

Les moments de partage permettent à chacun de comprendre comment vivent les autre. Ils apportent un regard sur le monde extérieur. Il est important d’expliquer le quotidien des gens du village, avec quels moyens ils vivent. Comment ça se passe dans leur tête.

Quand je vais au Népal pour m’entrainer, les gens me posent des questions car ils ne comprennent pas pourquoi je cours. Il y a 2 ans, une course a été organisée au camp de base de l’Everest. Il y a avait 150 népalais au départ. Je trouve cela très encourageant car le sport est vecteur de beaucoup de choses positives. Le sport évite les conflits et apporte de la sérénité.

En fonction de mes moyens, chaque année j’invite 2 ou 3 népalais pour participer à la course que j’organise. J’achète un équipement pour eux. On leur paie un salaire car pendant qu’ils font la course ils ne peuvent pas travailler. Chaque année nous changeons de personne, car il faut faire découvrir le sport à un maximum de personnes.

Il y a beaucoup de Népalais qui sont venus en Europe et sont revenus au Népal avec l’argent qu’ils y ont gagné pour construire ou faire d’autres bonnes choses. Mais personne n’a eu le courage d’expliquer ni d’organiser une conférence pour montrer comment ça se passe en Europe. C’est important d’expliquer comment les gens travaillent ailleurs et ce qu’ils ont fait en arrivant en Europe.

Cane me gène pas d’en parler. Je dis que je travaille sur les chantiers, je passe le balai, je pousse les brouettes. Travailler ça ne me gêne pas, quel que soit le travail.

Pour finir, quel message donnerais-tu aux personnes qui ne courent pas ?

Je n’incite jamais les gens à courir car pour courir il faut aimer ça. Moi j’aime courir, d’autres aiment nager ou aller à la plage.

Dans la montagne, on retrouve la sérénité. On retrouve la paix intérieure, des choses que l’on ne trouve pas ailleurs. Moi c’est la montagne, mais pour d’autres c’est la mer. On est face à une nature que l’on ne peut pas dominer.

Tout engagement imprévu, est à éviter. La montagne comme la mer on ne peut pas les combattre, il faut savoir être avec. Il faut savoir courir pour se faire plaisir sans se mettre inutilement en danger. C’est savoir faire demi-tour quand il faut.

Dawa aux JO ?

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Comme vous avez pu le remarquer Dawa parle avec une simplicité déconcertante. Sa vision de la compétition est étonnante.
Je vous laisse avec un peu de lecture avec un article sur la participation de Dawa Sherpa au JO de Vancouver. où il parle des Jo comme un jeu avant tout, discours étonnant et peu commmun.

Sur le site de Julbo vous trouverez, une interview de Dawa à l’occasion de JO de Sochi.

Vous pouvez retrouver plus d’informations sur le site de Dawa Sherpa et son Facebook.

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